La théorie du donut, développée par l'économiste Kate Raworth, propose un modèle économique qui intègre à la fois les besoins humains essentiels et les limites écologiques de la planète. Ce modèle remet en question l'idée traditionnelle de la croissance infinie et nous pousse à repenser la manière dont nous consommons, produisons et vivons.
Mais concrètement, qu'est-ce que cela signifie pour nous, en tant que citoyens et consommateurs ? Comment cette théorie peut-elle nous aider à faire des choix plus responsables pour notre bien-être et celui de la planète ? Pouvons-nous tous consommer autant de donuts qu’Homer Simpson ?
Qu'est-ce que la théorie du donut ?
Le modèle du donut se représente graphiquement sous la forme d'un anneau ou "donut", constitué de deux cercles concentriques. Le cercle intérieur représente les fondements sociaux nécessaires au bien-être humain, tandis que le cercle extérieur symbolise les limites écologiques que la Terre ne doit pas dépasser.
- Le socle social : il englobe tout ce qui est nécessaire pour assurer une vie digne et satisfaisante pour l'ensemble de la population mondiale. Il inclut des critères tels que l'accès à la nourriture, l'eau potable, un logement décent, des soins de santé, l'éducation, l'énergie, la justice sociale, et la voix démocratique. En d'autres termes, personne ne devrait tomber en dessous de ce seuil minimal, sous peine de créer des injustices sociales et des souffrances humaines.
- Les limites écologiques : le cercle extérieur représente les "limites planétaires", ces seuils écologiques que nous ne devons pas franchir pour préserver les écosystèmes. Ces limites comprennent des facteurs tels que le changement climatique, l'acidification des océans, la perte de biodiversité, et la pollution de l'air. Dépasser ces limites met en danger la stabilité de la Terre et les conditions de vie humaines à long terme.
L'espace situé entre ces deux cercles – l'anneau du donut – représente donc un "espace sûr et juste" où l'humanité peut prospérer sans compromettre la durabilité de la planète.
Et en couleur, on retrouve le fameux donut :
Pourquoi cette théorie est-elle pertinente aujourd'hui ?
Le modèle économique dominant du XXe siècle, fondé sur la croissance continue du PIB, a permis d'améliorer le niveau de vie dans de nombreux pays, mais il a aussi entraîné une surconsommation des ressources naturelles et une aggravation des inégalités sociales. Le modèle de la croissance infinie est en contradiction avec la réalité physique d'une planète aux ressources limitées, et les conséquences sont visibles aujourd'hui : changement climatique, extinction des espèces, pollutions diverses, et inégalités croissantes.
La théorie du donut propose une alternative à ce modèle, en intégrant à la fois les besoins humains fondamentaux et les limites écologiques de la Terre. Ce modèle encourage les politiques économiques à viser l'équilibre, en maximisant le bien-être humain tout en respectant les ressources naturelles et les écosystèmes.
Les limites planétaires et la théorie du donut
La théorie du donut est étroitement liée au concept des limites planétaires, un cadre scientifique développé par des chercheurs du Stockholm Resilience Centre en 2009. Ces limites sont au nombre de neuf, et elles définissent les seuils que l'humanité ne doit pas dépasser pour éviter des perturbations irréversibles des systèmes terrestres. Parmi ces limites, on trouve :
- Le changement climatique
- La perte de biodiversité
- La perturbation du cycle de l'azote et du phosphore
- L'acidification des océans
- La déforestation
- La pollution chimique, etc.
En intégrant ces limites dans sa conception, la théorie du donut rappelle que notre bien-être collectif dépend directement de la santé de la planète. En d'autres termes, il n'est pas possible de maintenir des sociétés prospères si les systèmes naturels qui nous soutiennent sont endommagés.
Comment appliquer la théorie du donut dans nos économies ?
L'un des principaux défis pour appliquer la théorie du donut est de réorienter les politiques économiques et les modèles d'affaires vers une vision plus durable et équitable. Voici quelques pistes pour y parvenir :
- Réduire les inégalités sociales : il est nécessaire de garantir que tout le monde, quel que soit son lieu de naissance ou son niveau socio-économique, puisse bénéficier des ressources nécessaires pour mener une vie décente. Cela passe par des politiques de redistribution des richesses, l'accès universel aux services publics de qualité (santé, éducation, eau, énergie), et la réduction des discriminations.
- Respecter les limites écologiques : les gouvernements, les entreprises et les citoyens doivent collaborer pour réduire l'empreinte écologique collective. Cela implique une transition vers des sources d'énergie renouvelables, une meilleure gestion des ressources naturelles, la réduction des déchets et des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la préservation des écosystèmes.
- Repenser la croissance : le modèle de la croissance infinie, fondé sur la consommation toujours plus importante de ressources, doit être remplacé par un modèle de croissance qualitative, centré sur le bien-être humain et la durabilité environnementale. Cela pourrait se traduire par des politiques de "décroissance" dans certains secteurs, ou par une meilleure utilisation des ressources à travers l'économie circulaire, notamment en promouvant la réutilisation, la réparation, et le recyclage.
Comment appliquer la théorie du donut dans nos choix quotidiens ?
Voici quelques idées concrètes pour intégrer la théorie du donut dans notre vie de tous les jours :
- Réduire notre empreinte écologique : être attentif à notre consommation d'énergie, à nos déplacements, à nos habitudes alimentaires (comme manger moins de viande ou privilégier des produits locaux et de saison) peut grandement réduire notre impact sur les ressources de la planète. Réduire son empreinte carbone, contribue à réduire son empreinte écologique.
- Se questionner sur nos vrais besoins : est-il nécessaire d'acheter un nouveau vêtement chaque saison ou de changer de téléphone tous les deux ans ? En se posant cette question, on peut réduire considérablement notre impact. Cf nos articles sur la méthode BISOU et les 7 questions à se poser au moment d’un achat pour le faire facilement.
- Favoriser l'économie circulaire : au lieu de jeter un produit cassé, pourquoi ne pas essayer de le réparer ou de le revendre pour qu'il puisse avoir une seconde vie ? Cela permet non seulement de réduire les déchets, mais aussi de limiter la production de nouveaux produits, souvent gourmands en ressources.
- Acheter de manière responsable : privilégier les produits durables, de seconde main ou reconditionnés, comme les téléphones ou les vêtements, est un excellent moyen de prolonger la durée de vie des objets tout en limitant la demande de ressources naturelles.
- Penser local : en soutenant les producteurs locaux ou les artisans de votre région, vous réduisez non seulement l'empreinte carbone associée au transport des biens, mais vous contribuez aussi à renforcer l'économie locale.
En tant que consommateur, quelle est notre responsabilité ?
Nous avons un rôle clé à jouer pour transformer notre économie. En tant que consommateurs, nos choix influencent la demande des produits et services. Si de plus en plus de citoyens adoptent des habitudes de consommation responsables, les entreprises et les gouvernements seront obligés de s'adapter à cette nouvelle réalité.
Les villes et la théorie du donut : l'exemple d'Amsterdam
Amsterdam est l'une des premières grandes villes à adopter officiellement la théorie du donut comme cadre pour sa politique économique. En 2020, la ville a lancé une stratégie basée sur ce modèle pour guider sa transition vers une économie durable et équitable, en fixant des objectifs clairs pour réduire son empreinte écologique tout en garantissant un niveau de vie décent pour tous ses habitants.
Cette initiative a servi de modèle pour d'autres villes et régions dans le monde, qui cherchent à concilier prospérité et respect des limites planétaires.
Conclusion
La théorie du donut offre une vision radicalement nouvelle de l'économie, en plaçant l'humain et la planète au centre des préoccupations. Elle remet en question le modèle traditionnel de croissance économique et propose un équilibre entre justice sociale et respect des écosystèmes. Alors que nous faisons face à des défis environnementaux sans précédent, cette approche peut fournir un cadre précieux pour repenser nos politiques économiques, nos modes de consommation, et nos modes de production afin de construire un avenir plus durable et plus équitable.
C’est une approche qui valorise la sobriété, le partage, et la réparation plutôt que la surconsommation. En faisant de petits ajustements dans notre quotidien, nous pouvons non seulement améliorer notre propre bien-être, mais aussi contribuer à préserver notre planète pour les générations futures. La clé est de trouver l'équilibre entre nos besoins et les capacités de la Terre à nous soutenir.
Sources :